Pleine conscience et émotions

Quand nous sommes confrontés à des émotions difficiles comme la peur, la tristesse, la colère, la honte, notre réaction est généralement d’essayer de nous en débarrasser, c'est-à-dire de faire baisser le niveau du ressenti émotionnel. Cette réaction est naturelle parce que ces émotions sont des ressentis désagréables et que d’une manière générale nous n’aimons pas ce qui est désagréable.

Nous adoptons donc de manière automatique des stratégies d’évitement ou de lutte contre ce ressenti, stratégies qui vont être variées en fonction du type d’émotion. Par rapport à la peur nous allons par exemple adopter une stratégie d’évitement des situations qui nous font peur, s’il s’agit de la colère nous allons nous mettre en colère, c'est-à-dire essayer de « décharger », comme l’on dit couramment, cette colère, s’il s’agit de tristesse, nous allons par exemple essayer de nous distraire, d’oublier, de boire, de nous replier sur nous-mêmes et s’il s’agit de honte nous allons tenter de nous cacher ou de faire quand même «bonne figure ».

Ces stratégies sont normales, car nous sommes en quelque sorte programmés pour les adopter. En effet les comportements de fuite ou de lutte sont ceux que nous observons en général chez les animaux quand ils sont confrontés à quelque chose de désagréable pour eux, en particulier un danger potentiel. Ils vont soit fuir, soit se défendre en attaquant, la troisième possibilité étant de « faire le mort ». Ces stratégies sont relativement efficaces pour se protéger, c’est pourquoi nous sommes physiologiquement programmés nous-mêmes pour les adopter. Par exemple si nous avons à faire face à un incendie, ou allons chercher à l’éteindre (lutte) ou à fuir si la situation nous échappe.

Malheureusement ces stratégies appliquées à nos vécus intérieurs difficiles ne sont pas efficaces pour nous en protéger à long terme, voire peuvent les amplifier et avoir des conséquences globalement négatives sur notre vie. Pour ne prendre qu’un exemple si nous avons peur de prendre la parole en public, la réaction naturelle sera d’éviter ce type de situation, ce qui va nous protéger de la peur à court terme. La difficulté est que plus nous persisterons dans ce comportement d’évitement (qui, donc, au-delà du fait d’éviter la situation est surtout un comportement qui a pour fonction d’éviter de ressentir de la peur) plus le sentiment de peur va se renforcer dans le temps ce qui rendra encore plus difficile la confrontation à ce type de situation. Par conséquent, l’effet de ce comportement d’évitement, s’il est positif à court terme (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous l’adoptons), est contre productif à long terme concernant l’émergence et l’intensité du ressenti émotionnel que l’on cherche à évacuer.

Mais un autre inconvénient apparaît également. En effet, s’il est important pour nous, pour notre vie sociale, professionnelle, etc.de prendre la parole en public, la stratégie d’évitement va restreindre notre capacité à agir dans ces domaines de vie ; ce qui peut générer un sentiment d’insatisfaction supplémentaire. 

La pratique de la pleine conscience peut nous aider à sortir de ce cerce vicieux qui renforce nos ressentis difficiles et nous enferme dans une vie réduite. Cette pratique nous invite à expérimenter le fait qu’il est possible de sortir des stratégies d’évitement pour accueillir nos ressentis émotionnels difficiles en leur faisant de la place à l’intérieur du champ notre conscience.

Cette démarche d’accueil et d’acceptation se fait au départ à travers certaines pratiques méditatives (dont vous trouverez un exemple en cliquant sur le lien audio ci-dessous). Ces pratiques utilisent le corps comme support. En effet toute émotion s’exprime dans le corps, en s’exprimant à travers certains ressentis corporels. Par exemple, la peur va se manifester par des sensations de contraction au niveau du ventre, une accélération du rythme cardiaque et respiratoire, la tristesse, par une sensation de pesanteur, de poids au niveau physique, la colère par des tensions au niveau musculaire (épaules, bras, mâchoires). Ces sensations une fois identifiées (ce qui est déjà un travail de pleine conscience) servent de médiateurs pour nous approcher, explorer, faire connaissance et progressivement accueillir ce vécu émotionnel.

En nous entrainant à adopter cette démarche d’ouverture, d’accueil et d’acceptation de nos émotions désagréables et ceci de manière progressive (il vaut mieux commencer par des ressentis émotionnels de faible ou moyenne intensité) nous allons pouvoir faire de la place à ces vécus émotionnels ; et plus nous ferons cela moins ceux-ci auront de prise sur nous. Ceci ne signifie pas que ces ressentis vont disparaitre immédiatement mais ils « commanderont » moins notre comportement, et nous pourrons ainsi d’avantage agir (plutôt que réagir) dans un sens qui sera bénéfique pour nous à long terme.