Méditer avec ce qui est présent.

 

 

 Nous pensons quelques fois qu’il existe des obstacles à la pratique régulière de la méditation. Ces obstacles peuvent être très variables et s’exprimer dans certaines pensées comme « je n’ai pas le temps », « je ne suis pas en forme », « je suis trop préoccupé(e) », « je suis trop stressé(e) », etc… Ces obstacles font référence soit à des contraintes extérieures : manque de temps, difficultés physiques, évènements particuliers, et/ou à des conditions intérieures comme la fatigue, le stress, l’abattement, la colère voire à l’inverse le fait de se sentir très bien…..

 

Ors si nous y regardons de près, tous ces obstacles à la pratique peuvent être au contraire des incitations à nous y mettre. En effet ils témoignent d’un emportement par des états émotionnels comme le stress, la tristesse, l’agacement, etc… ou un attachement excessif à un état de bien-être ; ou un emportement par des pensées du type « je vais avoir trop mal », « je ne vais pas y arriver », « je n’aurai pas le temps » ou encore par une suractivité ou un manque d’organisation qui sont souvent les signes d'une fuite par rapport à certains états émotionnels ou au stress.

 

Cet emportement est le signal que nous commençons à être pris au piège de nos états intérieurs, identifié avec eux. Pour prendre l’image de la rivière, ils manifestent que nous sommes emportés par le courant de nos états intérieurs. 

 

Ces obstacles à la pratique peuvent donc être des signaux qui disent justement qu’il est temps de pratiquer même si dans ces moments-là, il est indéniable que cela demande un certain effort pour s’y mettre.

 

De plus, ces états intérieurs, qui apparaissent dans un premier temps comme des obstacles à la pratique, peuvent être l’objet même de notre pratique. La pratique de la pleine conscience c’est d’abord : être avec ce qui est présent. Si je suis stressé, « ok je suis stressé », si je suis en colère « ok, je suis en colère », si je suis triste, « ok, je suis triste ». Maintenant ayant reconnu ces états, la question est : est-ce que je peux les mettre sur ma « table de travail intérieure » et y appliquer ce que je connais de la pratique concernant le rapport aux pensées, aux émotions et aux sensations physiques ?

 

De même au cours d’une méditation « ordinaire » où j’essaie par exemple de simplement être présent, tranquillement, à ma respiration et à mes sensations corporelles, je peux rencontrer soudain des états intérieurs (des pensées, des souvenirs, des états d’âmes difficiles) ou physiques (douleurs, tensions) qui vont venir « perturber » ma pratique. La tentation peut alors être forte d’arrêter en me disant que l’état de tranquillité dans lequel j’étais est gâché et que « ce n’est plus possible de méditer dans ces conditions » ou que « je médite mal » ou que « cette méditation est ratée »…….. Mais à l’inverse je peux considérer que ce qui apparaît là de difficile est une bonne occasion de poursuivre et d’enrichir ma pratique : c'est-à-dire ma capacité à faire face aux états intérieurs difficiles qui de toute façon sont présents dans la vie (et pas simplement au cours des méditations !).

 

L’invitation est donc au cours de la pratique de considérer ce qui est là, de ne pas laisser vos soucis à la porte de votre pratique mais de leur offrir par votre pratique même un espace intérieur d’observation, d’accueil et de présence bienveillante.

 

Mais comment faire pour pratiquer avec l’inconfort intérieur dans la méditation de pleine conscience ? Voici quelques rappels :

 

La première question l’on peut donc se poser est : est-ce que j’accepte qu’il y ait un problème, qu’il y ait eu par exemple tel événement et d’être perturbé par cela, que telle ou telle chose arrive et génère chez moi tel ou tel état émotionnel difficile ? Voilà la première étape : accepter que ce qui est soit même si cela ne correspond pas à qu’on aurait souhaité. Il n’y a pas de travail de pleine conscience possible par la suite sans ce premier pas.

 

La deuxième étape concerne le contenu de ce que je ressens émotionnellement et des pensées qui sont présentes.

 

Si je commence par l’aspect émotionnel de mon vécu intérieur, est-ce que je peux faire un peu de place à ces ressentis sans chercher à les évacuer immédiatement, en explorant par exemple le plus finement possible les sensations physiques qu’ils me procurent, en associant ma respiration ou en posant une de mes mains sur la zone de mon corps qui est la plus impactée ? Est-ce que je peux vraiment centrer mon attention sur ces sensations en laissant passer toute pensée comme je le fais quand je me concentre sur ma respiration en ne cherchant absolument pas à diminuer ce ressenti mais simplement être avec lui et le laisser évoluer spontanément ?

 

Je peux aussi considérer cette souffrance comme une partie blessée de moi-même. Cette partie, j’aurai bien envie de l’éliminer, de l’évacuer mais voyez ce qui se passe quand on fait cela. Est-ce que cette partie de nous-mêmes se tait, disparaît ou est-ce que, si nous la faisons sortir par la porte, elle ne rentre pas par la fenêtre ?  Maintenant voyons ce que nous ferions si une personne venait nous trouver en exprimant sa souffrance, est-ce que nous la mettrions à la porte ou est-ce qu’au moins, nous prendrions le temps de l’écouter voire d’avantage. Pouvons-nous faire l’expérience de cet accueil bienveillant vis-à-vis de cette partie blessée de nous-mêmes qui s’exprime à travers l’émotion, en restant simplement en sa présence sans chercher à l’éliminer ?

 

Voyons maintenant du côté des pensées qui apparaissent en lien avec cette situation et l’émotion qui est présente : la proposition ici est de les observer, c'est-à-dire de les considérer comme des objets mentaux produits par mon esprit, créant ainsi une certaine distance. Je peux aussi me poser la question : sont-elles une description précise de la réalité ou sont-elles une vieille histoire que mon esprit me raconte régulièrement ? Je peux aussi considérer la situation d’un autre point de vue en imaginant par exemple la façon dont une autre personne considérerait la même situation….. Je peux enfin me poser la question : Cela va-t-il être utile pour moi à plus long terme d’adhérer à cette pensée. Quels pourraient en être les conséquences ?

 

Enfin il peut être utile de rentrer dans une prise de perspective par rapport à tout cela. Imaginez que ce que vous vivez actuellement soit comme un champ de bataille et que vous soyez vous-mêmes au milieu de ce champ de bataille. A ce niveau-là vous ne pouvez voir que la lutte entre les différentes armées. Maintenant imaginez qu’on mette à votre disposition une montgolfière. Que se passerait-il ? Vous prenez progressivement prendre de la hauteur et vous voyez que ce champ de bataille se limite en fait qu’à une portion du territoire et que ces états intérieurs ne sont que des événements passagers appartenant à un ensemble plus vaste et que vous pouvez, quant à vous, vous positionner en tant qu’observateur de tout cela. L’envahissement par des pensées et des émotions difficiles à tendance à nous centrer exclusivement sur une partie de nous-mêmes où règnent nos conflits intérieurs et on ne voit plus le monde et soi-même qu’à travers ce prisme. Nous pouvons donc tenter cette prise de distance qui ne vise pas à supprimer ce qui est présent mais à le resituer dans une vision plus globale de la situation et du coup peut-être à la voir et de la comprendre différemment.

 

Je terminerai ces quelques suggestions par une Citation de Pema Chödrön : « Tout ce qui survient dans la vie est l’occasion parfaite d’orienter différemment notre tendance fondamentale à nous laisser piéger, à perdre notre calme, à fermer notre esprit, à nous durcir le cœur. Tout ce que nous percevons, ressentons ou pensons contribue fortement à opérer un changement fondamental pour que nous ayons l’esprit plus ouvert. » (extrait de « Vivez sans entrave » - Le Courrier du Livre).

 

Marc Monneau